Projet AJA : Mieux prendre en charge les adolescents et jeunes adultes atteints de cancer

Yves LIBERT, psycho-oncologue, Service de Psychologie – Secteur Psycho-Oncologie, Institut Jules Bordet (HUB)

Mme Sarah Buntinx, Praticien hospitalier universitaire, service d’hématologie, H.U.B. (site Bordet)

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AYA

Chaque année en Belgique, environ 1700 adolescents et jeunes adultes (AJA) âgés de 16 à 35 ans sont diagnostiqués atteints d’un cancer.  Depuis le milieu des années 1990, il a été établi qu’une prise en charge particulière devait être mise en place pour les AJA atteints de cancer. Les besoins psychosociaux, émotionnels et médicaux de ces patients sont différents de ceux des enfants ou des adultes plus âgés. Toutefois, selon de très nombreux experts, leur prise en charge devait être améliorée.

L’H.U.B offre des soins spécifiques aux Adolescents et Jeunes Adultes atteints d’un cancer

Structurellement, il n’existait pas de prise en charge qui tenait compte des besoins spécifiques des AJA, à l’exception de quelques initiatives comme celle de l’UZ Gent. Fin 2023, à l’initiative du SPF Santé Public, une nouvelle convention concernant la prise en charge médicale et psychosociale des AJA atteints d’un cancer a été signée avec 6 centres hospitaliers. L’H.U.B en fait partie et participe ainsi à l’amélioration de la prise en charge de ces jeunes patients et de leurs familles, également touchées par cette maladie.

Depuis le 1er janvier 2024, à l’initiative de l’INAMI, une prise en charge spécifique est ainsi prévue pour les AJA dans le but d’offrir des soins oncologiques et de supports adaptés.  Cette convention soutient la mise en place d’une équipe de référence multidisciplinaire.

Les AJA : particulièrement fragilisés par le cancer

La maladie les touche dans une phase développementale qui présente des enjeux psychosociaux majeurs : la sortie de l’adolescence et la construction de leur identité, l’acquisition de leur autonomie et de leur indépendance, les choix éducatifs et professionnels, le développement des relations interpersonnelles et la construction d’une famille, le début de la vie active, etc.

Yves Libert, psycho-oncologue à la Clinique de psycho-oncologie de l'Institut Jules Bordet (H.U.B) et coordinateur du projet et Sarah Buntinx soulignent que "Les cancers qui se développent à cette période de vie ont pour la plupart de grandes chances d’être guéris. Tout l’enjeu sera d’administrer des traitements efficaces en limitant les risques de séquelles à long terme pour des patients dont la période de vie après cancer sera très longue.»

Des traitements particuliers pour les AJA ?

Jusqu’ici, paradoxalement, la littérature montrait que les AJA étaient moins bien traités que les jeunes patients en pédiatrie et moins bien suivis que les patients âgés de plus de 35 ans. A quoi tenait ce paradoxe qui a changé depuis le 1er janvier ? «Sur le plan médical, ils sont moins impliqués dans des essais cliniques que les autres patients. Au niveau psychosocial, ils sont moins bien pris en charge pour la même raison mais également parce qu’ils font face à de nombreux défis (personnels, professionnels...) à relever simultanément. »

De multiples enjeux

En Belgique, l’université de Gand travaille sur cette réflexion depuis de nombreuses années, notamment sur les trajets de soins, les prises en charge… L’H.U.B va poursuire en ce sens :

« Quand la maladie touche les patients AJA, ils sont dans le début d’une prise d’autonomie par rapport à leurs parents ou leur carrière, les questions des liens avec la famille d’origine, les partenaires, la parentalité se posent. A cela s’ajoute, des enjeux psychologiques et relationnels importants. Les patients se posent aussi, légitimement, des questions existentielles. Pour répondre à ces multiples enjeux, nous apportons un projet multidisciplinaire faisant collaborer l’oncologie pédiatrique et l’oncologie adulte. En effet, la période de transition est également un enjeu essentiel dans la prise en charge des AJA. 

C’est pour cela que nous allons travailler, comme dans chaque centre reconnu par l’INAMI, avec une équipe de référence: un médecin, un psychologue, une infirmière, un assistant-social et un coordinateur ». Cette équipe ne prend pas en charge tous les AJA qui sont traités mais est connectée, dans chacun des services, à des soignants de référence pour les AJA durant leur prise en charge médicale. Nous serons comme une deuxième ligne qui vient soutenir toutes les initiatives de prises en charge médicales et psychosociales proposées. Nous remonterons vers l’INAMI les expériences vécues. Nous serons également à l’écoute, grâce au retour de l’INAMI, des expériences des autres centres. »

La mise en place d’une équipe de référence pour les soins médicaux et psychosociaux aux AJA est une étape essentielle pour conduire à une prise en charge globale des patients, à de meilleurs résultats thérapeutiques, à des avancées en matière de recherche et à un continuum de soins.