Radiothéranostique : l’innovation qui peut vaincre le cancer

P. Patrick Flamen

Au coeur du service de médecine nucléaire de l’Institut Jules Bordet, la recherche se poursuit chaque jour pour lutter au mieux contre le cancer. En plus de la chirurgie oncologique, la chimiothérapie, l’immunothérapie, les agents ciblés et la radiothérapie classique, un tout nouvel outil thérapeutique vient de s’ajouter à l’arsenal anticancéreux : la radiothéranostique.

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radiothéranostique

En quoi cette solution nous différencie-t-elle des autres institutions oncologiques ?

La radiothéranostique est une des grandes avancées récentes en oncologie. Le Pr. Patrick Flamen, Chef du Service de Médecine Nucléaire de l’Institut Jules Bordet, et directeur du Centre d'excellence en radiothéranostique, le rappelle : «L’oncologie personnalisée progresse en permanence. Depuis quelques années, nous avons, en médecine nucléaire, une spécialité connue pour ces techniques d’imagerie moléculaire (PET/CT et SPECT/CT). La radiothéranostique, fusion de diagnostic (moléculaire) et de thérapie (radionucléide) introduit une nouvelle génération de techniques thérapeutiques. Aujourd’hui, nous sommes très peu nombreux en Belgique à proposer ce type de traitement innovant. »  

Qu’est-ce que la raradiotheranostique ?

Le radiotheranostique utilise des molécules (radiopharmaceutiques) qui, après une injection intravéneuse, ciblent spécifiquement les tumeurs, s’y accumulent et y déposent une dose de radiothérapie anticancéreuse. Les cellules ou organes, qui n’expriment pas la cible, recoivent très peu de dose de rayon. Il y a donc très peu de radiation collatérale au niveau des tissues sains.

Une fois l’injection faite, les patients doivent s’isoler dans une chambre pour protéger son environnement des rayons qu’ils dégagent. Souvent, ce sont des traitements à 4 à 6 injections, avec 6 à 8 semaines entre les injections.

Le radiothéranostique permet de coupler le diagnostic au traitement : avant l’administartion thérapeutique une même molécule est injectée marquée avec un isotope radioactif à visé diagnostique. Ceci permet donc de limiter le traitement aux patients qui exprime fortement le cible thérapeutique à travers tous les sites tumorales. L’isotope diagnostique qu’on utilise est le Gallium-68 ou le Fluor-18, émetteur de positron, qui permet de réaliser une imagerie corps-entier par PET-CT. Pour les traitements, nous utilisons le Lutétium 177. Des développements sont en cours à l’Institut Jules Bordet avec des émetteurs de particule alpha (ex. Plomb-212) qui est d’ une efficacité antitumoral encore plus prononcée.

Pour certains patients résistants

Ce traitement a prouvé son utilité pour les patients porteurs d’un cancer de la prostate ou d’une tumeur neuro-endocrine métastatique non-résécable et résistants à la chimiothérapie et à l’hormonothérapie.

Ce traitement augmente la survie globale et la qualité de vie du patient, ce qui a été démontré dans des études randomisées phase III auquel l’Institut Jules Bordet a participé.

Une nouveauté impactante

Depuis la publication de ces résultats, le monde de la Médecine Nucléaire est en ébullition (a perfect storm) et en transformation. «Grâce à une telle nouvelle technique pour nos patients, non seulement, les médecins sont obligés de se réorienter mais les services de médecine nucléaire doivent bénéficier d’investissements importants afin de pouvoir réaliser ces traitements radioactifs dans des conditions sécurisées et protégées. La construction du nouveau bâtiment Bordet était l’occasion d’implémenter toutes les infrastructures et technologies nécessaire dans l’hôpital lui-même. Ceci a pu voir le jour grâce au don de l’Association Jules Bordet. »

D’autres investissement ont également été faits tels que la mise en place d’une radiopharmacie dédiée (qualité GMP) ainsi que la construction 5 chambres adaptées pour hospitaliser ces patients en isolement (souvent moins de 24 heures).

Ce travail se réalise en équipe multidisciplinaire et nécessite une collaboration étroite entre médecins de différentes spécialités, radiophysiciens, radiopharamceutes et technologues spécialisé en médecine nucléaire.

La recherche continue

Dans ce domaine précis, les travaux de recherche se poursuivent. Il s’agit de recherche académique ou en collaboration avec l’industrie pharmaceutique. « Dans ce cas, ce sont surtout les tumeurs difficiles à contrôler qui sont ciblées (les unmet medical needs) : certaines formes de cancer de sein, le cancer de la prostate et du cervaux (le glioblastome). »  L’Institut Jules Bordet est également actif en recherche préclinique et translationelle. La recherche préclinique est une collaboration entre les laboratoires localisés à Gosselies (le CMMI) et notre Campus à Anderlecht (labo ATHENO : advancing theranostics in nuclear oncology).

Dès septembre 2024, nous aurons 7 études phase I impliquant de nouvelles molécules thérapeutiques (radiopharmaceutiques). « L’équipe est prête et enthousiaste à participer à la recherche pour la lutte contre le cancer ! »

Nul doute que de nouveaux patients seront sauvés grâce à ces recherches et ces installations à la pointe