Baby Detect: Dépistage néonatal, entre promesse scientifique et questionnements éthiques
Les comités d’éthique de l'Hôpital des Enfants de l'H.U.B et des Cliniques universitaire Saint-Luc reconnaissent l’intérêt d’un dépistage néonatal élargi, mais estiment que BabyDetect, dans sa forme actuelle, ne peut être soutenu ni promu au sein de nos institutions

POSITIONNEMENT DES COMITÉS D’ÉTHIQUES À PROPOS DE LA COMMERCIALISATION DU PROJET « BABY DETECT »
Baby Detect est un projet de commercialisation privé de tests de dépistage néonatal mené par le Centre Hospitalier Universitaire de Liège. S’il n’est pas proposé comme un remplacement du test de Guthrie officiel de l’ONE, il laisse toutefois la possibilité de refuser ce dernier. Il annonce permettre d’identifier plus de 165 maladies génétiques. Le coût du test, à charge des parents, s’élève à 650 EUR et n’est pas couvert par la sécurité sociale. Le projet est promu par l’entreprise commerciale dédiée Thameus.
Ce projet ouvre une perspective importante et très encourageante sur le développement de nouvelles ressources technologiques en génétique pour améliorer le dépistage néonatal. Cependant, en l’état, il souffre d’immaturité à trois niveaux.
Le premier est scientifique. Le panel de pathologies sélectionnées manque de consensus scientifique national et international sur l’intérêt tant pour le patient – pronostic et traitement – qu’en matière de santé publique. De plus, les indicateurs de performance, de sensibilité, de spécificité et de valeurs prédictives du test ne sont pas suffisamment établis au sein des données transmises aux centres sollicités. Ensuite, les variants génétiques trouvés ne pourront pas toujours être interprétés selon des bases scientifiques solides, mettant en avant des risques de sur- ou sous-diagnostic. De plus certaines pathologies seront mieux diagnostiquées, pour de multiples raisons, par des techniques biochimiques que génétiques. Enfin, il y a une absence marquée de traitements éprouvés pour une part conséquente des pathologies visées.
Le deuxième est logistique. Il concerne tant les institutions de soin que les institutions de santé publique. À propos des institutions de soins, le projet manque de structure tant en amont du test, de par le manque de considérations cliniques et pluridisciplinaires dans l’accompagnement et l’information faite aux parents, qu’en aval, par le manque de ressources adaptées pour proposer un suivi adéquat et de qualité aux familles. Concernant les stratégies de de santé publique, ce projet devenu purement commercial dessine une iniquité sociale à long terme dans l’accès au soin qui se place en contraste net des travaux des instances publiques, des institutions de soins, des centres de dépistage, des centres de génétique visant à favoriser une stratégie d’harmonisation régionale et nationale, de techniques similaires et de développement des tests de dépistages remboursés, réalisés par des structures à intérêt public, et à accès universel. Ce projet se place dans une stratégie commerciale privée qui ne représente pas les autres exemples de développement de dépistage en Belgique.
Le troisième est éthique. La promotion commerciale et mercantile du test telle qu’elle est engagée actuellement ne rencontre que difficilement les principes fondamentaux de l’éthique biomédicale. Les modes de promotions du projet ne peuvent assurer un cadre favorisant l’autonomie libre et éclairée de parents en situation de vulnérabilité périnatale. Sur les plans scientifiques et logistiques, en l’état, le projet ne peut démonter une prévalence de la bienfaisance sur la non-malfaisance tant pour l’enfant que pour ses parents. Enfin, les éléments d’injustices concernant le coût, l’accessibilité aux soins et à des traitements éprouvés renforcent malheureusement aussi ce constat.
Le projet Baby Detect est novateur et engageant pour l’avenir du dépistage néonatal et de l’accompagnement des maladies génétiques. Il appelle l’ensemble des hôpitaux académiques à se positionner dans le développement de telles ressources, de leur offre de formation jusqu’à la recherche fondamentale en génétique, en passant par toute la structure du soin. Nous sommes convaincus que des projets de ce type seront précurseurs à l’avenir dans une amélioration des soins de santé et nous en saluons l’initiative. Cependant, en l’état, l’immaturité actuelle du projet et surtout son côté mercantile allant à l’encontre de l’esprit des stratégies belges de dépistage, nous force à ne pouvoir répondre favorablement à sa promotion ou à sa diffusion au sein de nos institutions et institutions partenaires.
Franck Devaux, PhD
Président du Comité d’Éthique de
L’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola ( HUDERF)
Hôpital Universitaire de Bruxelles (H.U.B)
Université Libre de Bruxelles (ULB)
Pr. Bénédicte Brichard, MD, PhD
Présidente du Comité d’Éthique des
Cliniques Universitaire Saint-Luc (CUSL)
Université Catholique de Louvain (UCL)